Bae Min Seok | I'm like a bird

Je suis né ici, en plein Séoul, tout comme plein d'autres personnes de ce monde. Né après huit mois et demi de grossesse, comme un enfant normal, la communion d'une femme et d'un homme, comme un enfant normal et je suis né à l'hôpital, tout comme un enfant normal. Ma mère semblait être aimante à l'époque, bien que je ne me souviens plus trop de son visage, que j'ai choisi d'oublier. Ma mère, bien que mère biologique, ne fût pas un de mes parents. Mes vrais parents m'attendaient en dehors de la salle d'accouchement, c'était un couple qui s'aimait peut-être autant voire plus qu'ils m'aient aimé. Mes parents son deux hommes, homosexuels. Ils avaient fait appel à une amie du voisinage pour avoir un enfant, et me voilà. Ce n'a jamais été simple de vivre sans réelle présence maternelle, pas spécialement au sens affectif, mais plutôt pour ce que ceux autour de moi pensait de moi en voyant mes deux pères et zéro maman. Surtout qu'à l'époque, un couple homosexuel n'était pas vu comme ils le sont aujourd'hui. Comment dire que j'ai eu la chance de rester avec mes pères, sachant que même le fait d'adopter un enfant était à la base interdit en Corée pour les couples homosexuels. J'ai longtemps eu à vivre dans le secret de mes parents, avec un seul de mes pères venant me chercher à l'école le midi et le soir, l'autre avait le rôle du travailleur qui ramenait l'argent à la maison. Dit comme je le fais, vous avez sûrement l'impression que ma vie n'était pas heureuse à l'époque. Et pourtant, j'étais heureux étant petit. J'avais mes cadeaux d'anniversaire, mes jouets, et même des amis avec qui jouer dehors. J'étais heureux.

Et j'ai passé plusieurs années comme ça, heureux avec mes parents, avec mes amis, même à l'école. Je n'étais pas mauvais à l'école du tout, je m'entendais même avec mes professeurs. Mais quand commença ma dernière année en primaire, ma mère biologique était mon professeur principal, et là, tout a changé. Je ne sais pas pourquoi, sachant qu'elle devait s'entendre avec mes pères avant, mais à ce moment-là, elle me regardait de haut, me mettait plus bas que terre à chaque fois qu'elle en avait l'occasion. Et quand les cours parlant de la vie humaine commençait, c'était pire. Je m'en souviens de sa voix, de son regard alors qu'elle me visait en disant " Un enfant a besoin d'une mère et d'un père pour être élevé dans les meilleures conditions " et elle leur apprenait ça à tout les autres enfants qui eux avaient une mère et un père. J'étais le seul à ne pas savoir quoi répondre quand on me demandait quel était le nom de ma mère, et rapidement les autres ont compris, pour eux, j'étais différent. Pour eux, j'étais devenu le bouffon de service, l'enfant triste sans maman, alors que je ne voyais pas l'utilité d'avoir une maman sachant que j'avais deux papas. Je ne la vois toujours pas aujourd'hui à vrai dire. Ce n'était que le début de la guerre entre ma mère biologique et mes parents a vrai dire, je ne sais toujours pas pourquoi elle a prit lieu, ou pourquoi j'en étais le centre, mais je me souviens bien trop de tout ce que j'ai vécu à cause de ça.

Tout fut plutôt simple quand tout le monde était au courant de qui était mes parents, je n'avais plus personne avec qui rester à l'école, j'étais seul, mais c'était bien plus simple comme ça. Ce fut à ce moment que j'ai découvert la danse, et je pouvais m'entraîner à toutes les pauses qu'on avait à l'école, toutes les récréations. J'avais trouvé cette salle qui était toujours ouverte, presque vide, et je restais là et danser sans musique, juste en me l'imaginant dans ma tête. Mes parents l'ont vu rapidement, ils m'ont gentiment inscrit à un cours de danse, mais même là-bas, j'étais vraiment seul. Le professeur que j'avais ne me félicitait jamais comme il faisait aux autres, tout ces mots n'étaient que des piques et des reproches. Mais au fond, ça m'a permis de me renforcer et de m'améliorer en me disant qu'un jour, il ne pourra rien dire. Je continuais malgré tout à danser dans la salle que j'avais trouvée pendant les pauses à l'école, jusqu'à que mon professeur, ma mère biologique si vous suivez le topo, me punisse en m'accusant de voler des objets à l'école. Alors que tout ce que je faisais était de les pousser pour avoir de la place pour danser. Comment dire que je ne sais pas pourquoi elle ne m'aime pas, mais j'ai arrêté d'essayer de comprendre depuis, j'ai arrêté d'essayer de lui plaire, à quoi bon.

Le collège fut un moment plus difficile, et pourtant plus libre. Je commençais à découvrir une deuxième passion, la composition. Et j'écrivais dans le club de musique des paroles, j'apprenais rapidement à utiliser les logiciels que l'on peut trouver sur internet pour faire de la musique et je les montrais après fièrement à mes parents. J'ai même commencé à chanter à cette époque, mes pères étaient fiers de moi, et c'est tout ce que je demandais. Si mes parents étaient fiers de moi, je pouvais passer à côté des remarques, des insultes, et même des coups que je pouvais recevoir. Car facilement après mon entrée au collège, entre le fait que j'aimais la danse et le fait que mes parents sont gays, les rumeurs à mon propos n'étaient pas minimes. On commença à dire que comme mes parents sont gays, moi aussi alors que je ne savais même pas à l'époque si j'aimais les femmes ou les hommes ou les deux, ou encore aucun des deux. Mais ces rumeurs étaient assez pour me pourrir mon temps au collège. Heureusement, tout le monde n'était pas aussi fermé d'esprit. J'ai appris à faire la différence entre le regard de dégoût et de pitié, ainsi que de bonne pitié et mauvaise pitié, et j'ai réussi à avoir quelques amis. Même si ça ne me semblait pas obligatoire, ça soulevait un gros poids sur mon cœur qui commençait à se dire que je serais seul toute ma vie.

Le début du lycée fut le moment où je voulais tenter le tout pour le tout. J'aimais danser, chanter, rapper, alors pourquoi pas. J'ai été participé à plusieurs auditions d'agence d'idoles en Corée, tout en continuant difficilement l'école à côté. Je me croyais prêt, au top de ma forme et de mes capacités, mais apparemment, ce n'était pas le cas pour les recruteurs. Je n'ai été rappelé par aucun d'entre eux, même pas pour un deuxième round. Et essuyer autant de défaite d'un coup me mit un gros coup au moral. Mais je pouvais survivre, je pouvais vivre ma passion pour moi-même. Malheureusement, les mauvaises nouvelles ne s'arrêtaient pas là. Peu de temps après, mes parents ont décidé de se séparer, et pour moi, perdre l'un de mes parents de vue fut l'un des moments les plus durs pour moi. C'était comme de me couper un bras. Je n'ai pas su directement la raison de leur séparation, il m'a fallu un mois pour comprendre que ma mère biologique y était pour quelque chose. Je ne sais pas ce qu'elle leur a dit, mais ça les a brisait. Une fois que les deux avaient un endroit ou vivre, ils se sont partagé ma garde, au fond, je les voyais toujours, c'était mieux comme ça.

Mais toujours déçu de mes défaites, j'essayai de devenir autre chose que j'aime : chorégraphe. Alors à la fin du lycée, j'alla postulé à plusieurs endroits, ça m'aura pris facilement un an de plus pour finalement, rien. Toujours zéro réponse et zéro travail. Ce monde n'avait pas besoin de moi, il n'avait pas besoin de ce que je pouvais donner. Je me repliai sur mon dernier espoir, après avoir passé plusieurs concours et formations : professeur de danse. Et après non pas une, ni deux, ni trois, mais quatre postulations, finalement, on m'accepta pour devenir professeur de danse, à mes 22 ans. Je sais que c'est très jeune pour être professeur, et en effet, certains de mes élèves sont plus âgés que moi, mais je me sens enfin complet, heureux.